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Guerre numérique et influence générationnelle: le Maroc face au «Cyber Proxy Warfare»... By - Fahd ELBERRAK

 

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By: Fahd ELBERRAK: Expert en Intelligence et Guerre Économique
Une génération connectée, du virtuel au réel

Depuis septembre 2025, le Maroc connaît une mobilisation sociale sans précédent, impulsée par sa jeunesse hyperconnectée. Sous le mot-clé #GenZ212, des milliers de jeunes, souvent issus de milieux urbains et universitaires, se coordonnent via la plateforme Discord, symbole d’une nouvelle forme d’activisme numérique. Ce mouvement, à la fois spontané et structuré, s’inscrit dans un contexte de vulnérabilité informationnelle accrue: cyberattaques massives, fuites de données étatiques et campagnes d’influence ciblant les institutions marocaines. C’est le terrain idéal d’une “Cyber Proxy Warfare” — un conflit sans armée visible, mené à travers les émotions, les récits et les algorithmes. Pour bien comprendre le segment de cette guerre cognitive, voici les chiffres clés qui justifient pourquoi elle est la cible parfaite pour une compagne de manipulation :

Née entre 1997 et 2012, la génération Z représente 26,3 % de la population, soit 9,6 millions de jeunes Marocains, derrière ce poids démographique se cachent des fragilités structurelles:

  • 35,8 % de chômage chez les 15–24 ans (contre 12,8 % au niveau national)

  • 21,9 % chez les 25–34 ans

  • 15,2 % de sous-emploi dans la tranche 15–24 ans

  • 1,5 million de NEET entre 15–24 ans, et 4,3 millions jusqu’à 34 ans

  • 39 % des jeunes 15–24 ans hors emploi, éducation ou formation, dont un quart en exclusion totale.

1-  Le Maroc, cible d’une influence informationnelle multiforme
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Entre 2023 et 2025, les institutions publiques marocaines ont été frappées par une vague de cyberattaques sans précédent: plus de 7 000 tentatives d’intrusion recensées par la DGSSI, soit une hausse estimée à 45 % par rapport à la période précédente. En avril 2025, le groupe Jabaroot revendiquait la fuite massive des données de la CNSS, compromettant les informations personnelles de plus de 7 millions de citoyens. Quelques mois plus tôt, plusieurs opérateurs publics et ministères avaient subi des attaques DDoS coordonnées, accompagnées de campagnes virales dénonçant «la corruption du système». Ces opérations visent moins la destruction que l’érosion de la confiance: elles combinent sabotage technique et guerre psychologique, amplifiées par les réseaux sociaux et les canaux communautaires.

 2-   Discord: l’espace d’une nouvelle génération politique

Créée en 2015, Discord est devenue bien plus qu’un réseau pour gamers. La plateforme revendique plus de 250 millions d’utilisateurs actifs, dont une majorité âgée de 16 à 25 ans. Au Maroc, elle connaît depuis 2024 une explosion d’usage, notamment dans les milieux étudiants, technophiles et créatifs. Le serveur «GenZ 212», apparu le 18 septembre 2025, rassemble plus de 170 000 membres en trois semaines, devenant le plus grand espace de coordination numérique du pays.

 3-  Du cyberespace au réel: la guerre par procuration numérique

 Le Digital Proxy Warfare repose sur un principe simple: influencer un pays sans confrontation directe. Au Maroc, cette stratégie combine trois couches: technique (attaques ciblées), sociale (exploitation des émotions), et narrative (discours d’indignation systémique). Après la fuite des données de la CNSS, plusieurs serveurs Discord ont relayé des messages accusant l’État d’incurie, accompagnés de mèmes et de hashtags appelant à la révolte.

 4-  Les techniques de manipulation dans les serveurs Discord

Les mouvements sociaux numériques ne naissent pas dans le vide. Ils sont façonnés par des architectures invisibles et des tactiques d’influence sophistiquées. Parmi elles: les micro-serveurs ludiques dérivant vers la politique, les modérateurs qui agissent comme des courtiers d’influence, les bots de coordination simulant des mouvements organiques, et l’ingénierie émotionnelle visant à transformer l’indignation en action collective.

La Gen Z Sur Discrod est à la fois public, relais et capteur, elle devient simultanément cible et actrice:

Cible, parce que ses émotions, ses colères et ses idéaux peuvent être orientés.

Actrice, parce qu’elle relaie et amplifie les messages, parfois sans s’en rendre compte.

Chaque conversation, chaque serveur, chaque hashtag peut devenir un capteur d’opinion pour les acteurs étrangers, permettant de mesurer l’état d’esprit collectif. Ainsi, la Gen Z sert de laboratoire social où se testent les récits politiques, économiques et culturels.

Elle reçoit les récits, les reformule et les traduit en actions légères : hashtags, boycotts, IRL meetups. Les modérations et scripts façonnent qui peut parler, quand et avec quelle portée. La finalité : acculturer une cohorte clé aux normes d’un camp, détecter des leaders émergents et installer des réflexes d’interprétation qui perdurent.

 5-  Discord à la croisée des intérêts géoéconomiques: Reid Hoffman, le RFK Center et leur hostilité envers l’intégrité territorial du Maroc

Reid Hoffman, cofondateur de LinkedIn et associé de Greylock Partners, incarne la convergence entre capital technologique et idéologie progressiste. Investisseur clé de Discord (parmi les donateurs de l’ONG RFK Center), il participe à une diplomatie civique américaine fondée sur la gouvernance éthique des plateformes. Le RFK Center for Justice and Human Rights, fondé par la famille Kennedy, promeut des valeurs proches: transparence, justice sociale et défense des droits civiques. Leurs trajectoires convergent dans un soft power démocrate où la technologie devient vectrice d’influence morale.

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Le Robert F. Kennedy Human Rights Center (RFK Center) incarne la légitimation morale d’un agenda progressiste: droits humains, justice sociale, éthique du numérique, inclusion. Ce référentiel normatif s’articule avec le Parti démocrate et ses soutiens (fondations, think-tanks, universités) pour produire des cadres interprétatifs réutilisables — des grilles de lecture universalisées qui confèrent autorité et crédibilité aux messages. Il offre une base narrative respectable à toute action d’influence: parler au nom du droit, de la dignité et de la transparence, afin de rendre acceptables des interventions symboliques dans les espaces publics, notamment auprès des jeunesses connectées.

Historiquement, le RFK Center a aussi manifesté une hostilité explicite envers la souveraineté marocaine sur son Sahara. Entre 2011 et 2016, plusieurs rapports de l’organisation ont accusé Rabat de violations systématiques des droits de l’Homme et de privation économique « des populations Sahraouis ». En 2011, le Centre a dénoncé selon lui « les arrestations arbitraires et les disparitions qui ont suivi le démantèlement du camp de Gdeim Izik ». En 2015, il a plaidé pour l’élargissement du mandat de la MINURSO aux droits de l’Homme et soutenu des ONG Pro-séparatistes contre le Maroc. Enfin, en 2016, il a soumis à l’ONU un rapport mettant en cause la répression des militants séparatistes. Cette continuité de positionnement traduit une hostilité diplomatique symbolique, mais constante, qui place le RFK Center dans une posture de contre-discours vis-à-vis de la diplomatie marocaine.

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 Dans le cadre de la lutte d’influence mondiale, un nouvel alignement stratégique se dessine : celui du RFK Center, déjà engagé dans une posture critique à l’égard de la souveraineté marocaine sur le Sahara, avec les associés de Discord (Reid Hoffman, Greylock Partners).

Cet alignement pourrait viser à influencer la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité de l’ONU, dans le contexte des récentes manifestations au Maroc. En mobilisant les réseaux institutionnels et les plateformes numériques, cette convergence cherche à faire pression narrative et diplomatique pour obtenir des résolutions défavorables au Maroc.

 Discord, par sa dimension transnationale et sa prégnance dans l’écosystème numérique jeune, offre un canal d’observation des opinions et des tendances. Grâce à cet outil, les initiateurs pourraient surveiller les réactions, moduler les récits et générer des contenus d’influence calibrés (données, témoignages, “preuves”) pour renforcer une position médiatique et diplomatique anticipée. Dans ce climat d’instabilité perçue, chaque crise interne devient un levier de pression internationale. C’est précisément dans ce contexte que certains réseaux, proches du RFK Center, trouvent un terrain propice à la délégitimation du Maroc sur la scène diplomatique, où il devient dans ce contexte un champ de bataille numérique : face aux mobilisations internes, cette coalition pourrait chercher à décrédibiliser l’Etat marocain, ou à orienter une résolution onusienne en sa défaveur. Si l’on observe les proximités idéologiques et les convergences d’intérêt entre certains acteurs progressistes américains et des plateformes numériques d’envergure mondiale, on peut raisonnablement envisager que cette architecture d’influence cherche à peser, directement ou indirectement, sur les débats multilatéraux autour du Sahara.

Contexte politique actuel

L’échec du gouvernement actuel ne se mesure plus seulement à la lenteur avec laquelle ses promesses prennent forme, mais à la nature même du modèle de gouvernance qu’il a choisi d’incarner. Un modèle qui, loin de servir l’intérêt général, semble s’être construit autour d’un cercle restreint d’intérêts privés et d’alliances économiques opaques, souvent adossées au parti au pouvoir et à ses partenaires de la majorité gouvernemental.

Au fil des mois, les priorités publiques ont glissé: la justice sociale et l’égalité des chances ont cédé la place à la protection de privilèges bien établis. Les scandales des subventions à certains éleveurs ou celui, plus emblématique encore, de la «Faraqshiya», en sont les symptômes les plus visibles. Ce n’est plus seulement une question de gestion défaillante, mais d’un détournement profond du sens même de l’action publique.

 Derrière les chiffres et les communiqués officiels, une fracture se creuse: celle qui sépare un pouvoir de plus en plus refermé sur lui-même d’une population qui n’y reconnaît plus ni ses espoirs ni sa voix. Les récentes manifestations en sont la traduction directe — un message populaire d’une rare clarté. En persistant dans cette logique d’entre-soi et de favoritisme, le gouvernement a pratiquement mis fin au compromis du pacte de confiance né des urnes du 8 septembre, et de transformer le scepticisme en rupture politique… la défaillance dans les secteurs de la santé, l’éducation et les services publics n’est rien de nouveau sous le soleil… La Commission spéciale pour Le Nouveau Modèle de Développement (2019) avait déjà formulé un constat fort: sans une réforme de l'éducation, sans un système de santé performant et sans une action résolue contre les disparités sociales, le pays demeurerait dans l'impasse. GenZ212 est intervenu de manière abrupte pour rappeler à quel point ce diagnostic, resté sans suite, a un poids aujourd'hui.

Dans une telle situation, on attendait la réaction du chef de gouvernement -qui a pris beaucoup de temps- pour se faire entendre. Mr Aziz Akhennouch, est resté fidèle à sa manière de faire, en gardant le silence d’abord, puis se contentant d'un appel vague à la discussion, sans profondeur ni représentation. Pas de reconnaissance de la défaillance, l’échec de ses équipes, ni la douleur des citoyens, pas de vision, pas de leadership.

Sa dernière sortie médiatique télévisée du 10 Septembre a déjà exacerbé le fossé. En adoptant un discours comme on dit en dialecte marocain « Goulou L3am Zine » en déclarant que « les marocains se portent très bien », une interview où il a projeté l’image d’un leader en décalage… un décalage entre ses affirmations et la situation réelle affrontée par les jeunes – comprenant le chômage, l’inflation, des services publics déficients – a intensifié la frustration et a terminé par le discréditer.

Maintenant, le gouvernement invite la Gen Z au dialogue !! Cependant, où, avec qui, et dans quel cadre cela pourrait-il se produire ? Au jour d’aujourd’hui cela ne pourra pas se faire à travers des institutions auxquelles cette génération ne fait pas confiance et où elle ne se sent pas représentée.

Conclusion: Discord, croisement de sociologie, psychanalyse et psychopolitique…

La guerre de demain ne se mène plus avec des chars, mais avec des récits. Derrière les crises sociales, les mobilisations numériques et les débats viraux, se déploie un système d’influence sophistiqué, articulé autour de cinq ressorts invisibles.

D’abord, le ressort idéologique: celui des fondations et ONG qui exportent des valeurs universelles, transformant la morale en arme diplomatique. Ensuite, le ressort technologique : les plateformes, financées par des capitaux transnationaux, qui ne se contentent plus de connecter les individus, mais de calibrer leurs émotions, leurs mots, leurs indignations.

Vient ensuite le ressort tactique, cœur de ce que les stratèges appellent le digital proxy warfare — une guerre par procuration, où l’information sert à orienter, polariser et tester la résilience psychologique des sociétés. Le ressort géopolitique, lui, transforme chaque État en champ de bataille symbolique : qui contrôle la donnée, contrôle la narration, et qui contrôle la narration, contrôle la perception du pouvoir.

Enfin, le ressort générationnel — sans doute le plus décisif : la Génération Z. Hyperconnectée, hypersensible, et surexposée à des flux d’opinions, elle devient le terrain d’expérimentation de l’influence globale. Elle ne se bat plus pour des idéologies, mais pour des affects. Et c’est justement là que se joue la souveraineté du XXIᵉ siècle : non plus sur le territoire, mais dans la tête des citoyens.

 De leur côté, les membre de ce gouvernement auront-ils le cran et la volonté de se rende sur le terrain de ces jeunes ? passer au dialogue à travers la plateforme Discord par exemple? ou à travers un live sur Instagram ou TikToK ? Cela semble peu probable bien évidemment, voir même impossible, tant la confiance a été ébranlée. À l'heure actuelle, la défiance est si grande que les citoyens réclament déjà la démission du Chef de gouvernement. Dans ce vide politique, une seule option reste crédible: le Roi. 

 Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a toujours souligné les risques liés aux fractures sociales et territoriales, notamment dans son discours du Trône en juillet dernier, apparaît comme l'ultime solution. Son intervention inaugurale au Parlement, attendue pour le second vendredi d'octobre, est anticipée comme une riposte.

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