
Depuis plusieurs semaines, la junte militaire algérienne fait couler beaucoup d'encre et de pixels depuis l'incarcération de Boualem Sansal. Cette fois, ce sont les Éditions Frantz Fanon, nées en 2014 et dirigées par le journaliste Amar Ingrachen, qui ont été fermées, pour au moins six mois, par les autorités de la wilaya de Boumerdès.
Un scellé apposé par la wilaya de Boumerdès depuis le 14 janvier 2025 interdit l’accès au siège de l’entreprise. Cette décision a été justifiée par « l’édition d’un livre dont le contenu porte atteinte à la sécurité et à l’ordre public. Ainsi qu’à l’identité nationale et colporte un discours de haine ».
Le livre incriminé, « L’Algérie juive – L’autre moi que je connais si peu »
Un scellé officiel a été apposé sur la porte de l'établissement le 14 janvier 2025, suite à la publication d'un ouvrage qui fait polémique depuis quelques mois en Algérie, L’Algérie juive – L’autre moi que je connais si peu, de Hédia Bensahli. La maison a été accusée, avec cette édition, de porter atteinte « à la sécurité et à l’ordre public ainsi qu’à l’identité nationale et colporte un discours de haine ».
L’article 118 du code pénal précise même qu’aucune autorité administrative ne peut empiéter sur une affaire relevant de la justice. Cela dit, les responsables de la wilaya de Boumerdès semblent interférer dans une affaire judiciaire en cours d’instruction. Ce qui constitue une violation de la loi en vigueur.
« Après la célèbre librairie Cheikh, abusivement frappée par des scellés qui furent levés trois jours plus tard suite à la protestation de courageux élus de l’APW (Ndr : Assemblée populaire de wilaya) de Tizi Ouzou, et un vaste mouvement d'indignation sur la Toile, c’est une violation du droit encore plus grave qui vient de s’abattre sur les Éditions Frantz Fanon, basées à Boumerdès », partage la maison incriminée sur sa page Facebook.
Les Éditions Frantz Fanon
Les Éditions Frantz Fanon est une entreprise d’édition, de diffusion et de distribution de livres. Créée en 2014 par Amar INGRACHEN, journaliste et écrivain, et Sarah SLIMANI, universitaire et chercheure en littérature francophone et comparée, la maison d’édition Frantz Fanon est ouverte à toutes les sensibilités artistiques, politiques et philosophiques en phase avec la modernité et l’émancipation culturelle du monde. Faisant sienne la devise fanonienne selon laquelle « l’homme est un mouvement vers autrui », c’est dans le dialogue libre et pluriel, l’exploration audacieuse d’horizons nouveaux et le renouvellement constant du défi humaniste qu’elle inscrit sa démarche éditoriale.
Le choix du nom de Frantz Fanon comme label, choix qui s’est fait avec l’aimable autorisation d’Olivier Fanon, héritier de l’auteur des Damnés de la terre, procède de la nature de notre vision du monde qui se situe à cheval sur la réflexion et l’action, notions philosophiques majeures dont Frantz Fanon représente, à travers ses écrits et son parcours intellectuel, une magistrale synthèse.
Résumé de -L’Algérie juive-

La présence juive en Algérie a souvent été minimisée, même niée dans les discours de tous les vainqueurs. Pourtant, malgré tout, elle s'est maintenue jusqu'à ce que la colonisation la dissolve dans ses statistiques: On parlera alors de Français, puis on les affublera de l'identité « pied-noir ». Déchirement. Dans l'Algérie postcoloniale, la liesse de l'indépendance et les enjeux idéologiques (aussi) finissent par faire de ces autochtones une réalité anecdotique. Pourtant, deux mille ans d'histoire et un héritage culturel des plus féconds sont là pour témoigner d'une trajectoire historique qui place la judéité au cœur de l'intimité algérienne. L'Algérie juive, ce n'est pas une Algérie à coté, ou contre d'autres Algéries, mais c'est l'une des nuances les plus authentique d'un creuset multiculturel et multiethnique plusieurs fois millénaires.
Hedia Bensahli

Hedia Bensahli est une écrivaine franco-algérienne. Titulaire d’un master en littérature (Alger) et d’un DEA en didactologie des langues et des cultures (Sorbonne-Paris III), elle se consacre actuellement à son métier d’enseignante et à l’écriture. Récompensé par le Prix Yamina Mechakra (Algérie, 2019) pour son premier roman, Orages, elle est finaliste du Prix Moham-med Dib (Algérie, 2022) pour son deuxième roman, L’agonisant, une exofiction sur l’illustre peintre autrichien Egon Shiele auquel elle invente un destin algérien.
L’antisémitisme dans tous ses états… Des soldats algériens défilent en chantant « Tuez les Juifs …».

La plupart des chants militaires comportent des Cri d’acclamation d’honneur et d’enthousiasme., une rime intelligente et une bonne dose de vantardise. Mais dans une vidéo montrant un exercice de marche de la gendarmerie nationale algérienne on entend les soldats appelant à tuer, égorger et à arracher la peau des Juifs.
Les gendarmes défilent au son d’un chanson, reprenant les vers scandés par un officier.
« O, Arabes … Fils d’Arabes … marchez … et pointez vos armes vers les Juifs … pour les tuer … les égorger … et leur arracher la peau », scandent-ils.
Une vidéo trouvée par I24 News et circulant sur le net a fait réagir le Bureau National de Vigilance Contre l’Antisémitisme (BNVCA) qui, comme de nombreux correspondants ont alerté sur le scandaleux antisémitisme officiel de l’État algérien.
Dans cette vidéo, bien que datant du 1er novembre 2015, le Jour de la Révolution algérienne, on y voit un exercice de marche ordonnée de la gendarmerie algérienne au cours duquel ils appellent pour se motiver au meurtre des juifs en les égorgeant et en leur arrachant la peau en criant « mort aux juifs, tuez les juifs ». Cette vidéo a été récemment traduite en anglais par MEMRI l’Institut de Recherche des Médias du Moyen-Orient.
« Vive notre Algérie libre, » chantent-ils. « Sa terre appartient aux Musulmans pour toujours. »
Au final, cette vidéo est la démonstration parfaite de l’antisémitisme régnant au sein des institutions algériennes, notamment dans son armée et nous rappelle étrangement le système nazi.
La vidéo :👇
Algérie: L’antisémitisme dans tous ses états… d’hier à aujourd’hui

Puisant ses racines dans la réalité politique, sociale et culturelle qui a pris corps dans ce coin de l’Empire français depuis 1830, l’antisémitisme algérien n’a guère eu besoin des remous provoqués par l’affaire Dreyfus pour surgir et s’y épanouir. Ses premières manifestations datent des lendemains du décret Crémieux de 1870 lorsque, usant de leurs droits civiques nouvellement acquis, les Juifs d’Algérie commencent à prendre part aux élections législatives. Une promotion mal accueillie par une grande partie des pieds-noirs qui, toutes tendances politiques confondues, vont s’unir dans un antisémitisme d’une rare virulence. Atteignant son paroxysme, au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, c’est un véritable mouvement de masse, mobilisant dans toutes les couches de la population européenne et dans tous les milieux politiques de la colonie, de droite comme de gauche. Loin d’être un ramassis de laissés pour compte ou de frustrés, les militants des dizaines de ligues antisémites qui ont essaimé dans toutes les villes d’Algérie sont issus au contraire des milieux citadins les plus dynamiques et les plus modernes du pays : professions libérales, commerçants, ouvriers, fonctionnaires, colons, etc., sans parler des femmes qui ont fait leur entrée dans la vie publique à la faveur des manifestations antijuives organisées à l’appel de Max Régis et de ses amis algérois…⇒ books.openedition.org/pur/125184?lang=fr
Incompréhensible et illégale
La fermeture de la maison d’édition Frantz Fanon, bien que temporaire (6 mois), est jugée «incompréhensible et illégale ». Dans leur communiqué, les éditions rappellent que leur mission est de «donner une voix à ceux qui en sont privés et de contribuer à l’enrichissement de notre patrimoine culturel».
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