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Invasion de l’Ukraine: La menace de Vladimir Poutine, laisse planer le spectre de l’arme

La menace de Vladimir Poutine, laisse planer le spectre de l’arme nucléaire

Un chantage nucléaire à demi-mot ? Vladimir Poutine a dit le 24 février, lors de l’annonce du début des opérations militaires : «Pour ceux qui seraient tentés d’intervenir, la Russie répondra immédiatement et vous aurez des conséquences que vous n’avez encore jamais connues».

Le président russe Vladimir Poutine a brandi, dimanche, la menace nucléaire dans le cadre de la guerre qui l’oppose à l’Ukraine.Une phrase est tombée comme un couperet

Vladimir Poutine a déclaré à la télévision russe, dimanche 27 février: « J’ordonne au ministre de la Défense et au chef d’état-major de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat« . Hormis des bombardiers stratégiques, des sous-marins et des missiles, on trouve aussi dans cet arsenal… des armes nucléaires. Les réactions n’ont pas tardé. « Inacceptable » pour Washington, « irresponsable » pour l’Otan.

Doit-on prendre cette annonce au sérieux ?

Poutine a justifié cette décision par les « déclarations belliqueuses de hauts responsables des principaux pays de l’OTAN » envers la Russie. Il a également critiqué les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie pour son invasion de l’Ukraine, selon lui « illégitimes ».

Poutine a expliqué ainsi sa décision : « Comme vous pouvez le voir, non seulement les pays occidentaux prennent des mesures inamicales contre notre pays dans le domaine économique – je veux parler des sanctions illégales que tout le monde connaît très bien –, mais de hauts responsables de grands pays de l’Otan se permettent de formuler des déclarations agressives concernant notre pays« , rapporte Vzgliad, quotidien russe pro-Kremlin.

Washington dénonce une escalade « inacceptable »

La mise en alerte de la « force de dissuasion » nucléaire russe représente une escalade « inacceptable« , ont dénoncé dimanche les Etats-Unis, accusant Vladimir Poutine de « fabriquer des menaces qui n’existent pas ». « Il s’agit d’un schéma répété que nous avons observé de la part du président Poutine durant ce conflit, qui est de fabriquer des menaces qui n’existent pas afin de justifier la poursuite d’une agression », a dénoncé la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki. « A aucun moment la Russie n’a été menacée par l’Otan ou l’Ukraine (…) Nous allons résister à cela. Nous avons la capacité de nous défendre« , a-t-elle ajouté, interrogée sur ABC. Cette annonce de Moscou « signifie que le président Poutine continue l’escalade dans cette guerre, d’une manière qui est totalement inacceptable« , a pour sa part déclaré sur CBS l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield. « Nous devons continuer à dénoncer ses actions de la façon la plus sévère qu’il soit« , a-t-elle ajouté.

Le secrétaire général de l’OTAN « une conduite irresponsable » de Moscou

Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a dénoncé dimanche la conduite « irresponsable » de Moscou après la mise en alerte par Vladimir Poutine de la « force de dissuasion » nucléaire de l’armée russe. « C‘est une rhétorique dangereuse. C’est une conduite qui est irresponsable« , a déclaré Jens Stoltenberg sur la chaîne CNN. Selon le secrétaire général de l’organisation, la nouvelle déclaration de Vladimir Poutine vient s’ajouter au discours « très agressif » venant de la Russie « depuis plusieurs mois et particulièrement ces deux dernières semaines ». « Ils ne menacent pas simplement l’Ukraine, mais également les pays alliés de l’Otan, et demandent à ce que nous retirions toutes nos forces armées du flanc est de l’alliance« , a-t-il ajouté. Dans une interview diffusée dimanche sur la BBC, Jens Stoltenberg a également appelé les Etats membres de l’Otan à « faire front commun » face à « rhétorique menaçante » de Moscou. « Notre message est très clair: les pays de l’Otan se défendent et se protègent les uns les autres. L’Otan ne veut pas de guerre avec la Russie, nous ne cherchons pas la confrontation. Nous sommes une alliance défensive, mais qu’il n’y ait pas de malentendu ou de mauvais calcul sur notre capacité à défendre les alliés » face à d’éventuelles offensives russes, a-t-il insisté. Face aux accusations émises par Moscou de « déclarations belliqueuses de l’Otan« , le secrétaire général de l’organisation a démenti toute responsabilité. « C’est la Russie qui a engagé la guerre, qui mène une invasion militaire à grande échelle d’une nation souveraine et pacifique, donc il n’y a aucun doute que la Russie est responsable. Le président Poutine est responsable de ce conflit », a insisté Jens Stoltenberg.

« Ce que nous faisons, c’est simplement d’aider l’Ukraine, de l’aider à faire respecter son droit à la légitime défense« , a-t-il fait valoir.

Les réactions de tollé se multiplient

« La simple idée d’un conflit nucléaire est tout simplement inconcevable« , a déclaré dimanche à l’AFP le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, interrogé sur la réaction du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, aux déclarations du président russe. Avec cette annonce, le chef de l’Etat russe « franchit un cap supplémentaire et nous avons l’impression que cela a aussi à voir avec le fait que, dans sa mégalomanie, l’invasion rapide de l’Ukraine a été stoppée par des actions courageuses et déterminées de l’Ukraine« , a déclaré pournsa part Christine Lambrecht sur la chaîne de télévision publique allemande ZDF. La Campagne internationale pour abolir l’arme nucléaire (ICAN), prix Nobel de la paix en 2017, a dénoncé quant à elle le « jeu dangereux » de Vladimir Poutine « en plaçant les armes nucléaires en état d’alerte au combat« . « Notre campagne condamne fermement cette action et nous appelons à un cessez-le-feu immédiat, comme au retrait des forces russes d’Ukraine« , a indiqué Jean-Marie Collin, porte-parole de l’ICAN France, dans une déclaration envoyée à l’AFP.

Le plus important arsenal nucléaire au monde

De quoi craindre que Moscou plonge le monde dans un redouté hiver atomique ? La Russie en a sûrement les moyens. Elle dispose du plus important arsenal au monde, avec près de 6 000 têtes nucléaires contre environ 5 500 pour les États-Unis. Sur ce total, il y en a environ 1 600 qui sont déjà déployées, d’après l’état des lieux établi par le Bulletin des scientifiques nucléaires, l’association qui gère aussi la fameuse « horloge de l’apocalypse ».

La Russie ne manque pas non plus de missiles pour lancer ses bombes nucléaires sur les cibles désignées. « Il y a environ 2 000 missiles tactiques qui peuvent être utilisés dans des conflits régionaux [comme pour bombarder l’Ukraine, NDLR] et 1 597 missiles balistiques stratégiques à longue portée », énumère Polina Sinovets. « Si la Russie venait à utiliser l’arme nucléaire durant ce conflit, elle ne se contenterait pas uniquement de missiles à courte portée », estime Nikolai Sokov, expert des armes nucléaires russes au Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération, contacté par France 24.

Mais cet ex-conseiller au ministère soviétique puis russe des Affaires étrangères de 1987 à 1992 ne croit pas à l’imminence de la menace nucléaire russe. Tout comme Polina Sinovets, qui affirme que « ce n’est pas cette annonce qui rend le monde beaucoup plus dangereux« .

En fait, pour la plupart des analystes, la déclaration de Vladimir Poutine doit plutôt être perçue « comme un signal politique », estime Nikolai Sokov. Le président russe chercherait à faire d’une pierre deux coups. « Il s’adresse en premier lieu aux Ukrainiens afin de faire pression sur leurs émissaires qui sont en train de négocier avec les Russes, à la frontière avec la Biélorussie. C’est une manière d’essayer de leur faire comprendre que Moscou est prêt à aller très loin si Kiev ne cède pas aux exigences russes« , analyse Rafael Loss, spécialiste des questions de doctrine nucléaire au Conseil européen des relations internationales, contacté par France 24.

En parallèle, « Vladimir Poutine cherche à avertir l’Occident qu’en cas d’ingérence militaire dans le conflit avec l’Ukraine, il se réservait l’option d’utiliser l’arme nucléaire« , précise cet expert.

Les 1001 marches de l’échelle nucléaire russe

Mais le maître de Kremlin ne s’est pas contenté de proférer des menaces en l’air. Son ordre de mettre les « forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat » change l’équation nucléaire russe… Mais nul ne sait vraiment à quel point. « Le problème est que c’est fait en dehors de tout cadre et que cet ordre ne rentre pas dans les cas prévus de recours à la force de dissuasion de la doctrine nucléaire russe« , souligne Nikolai Sokov.

Vladimir Poutine a lui-même signé en 2020 le premier document officiel russe qui liste quatre cas dans lesquels Moscou s’autorise à utiliser son arsenal nucléaire. Ils sont tous défensifs et ne couvrent pas un recours à l’arme nucléaire pour soutenir une guerre d’invasion ou comme mesure de rétorsion contre des sanctions internationales.

Le général russe, Boris Soloviov, qui a servi dans les forces de missiles stratégiques et à l’État-major général, rappelle qu’en 2020 Poutine a approuvé par décret les “Principes fondamentaux de la politique d’État de la Fédération de Russie dans le domaine de la dissuasion nucléaire”. Ce document permet à Moscou d’“utiliser des armes nucléaires en réponse à une attaque contre elle ou ses alliés avec des armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive, ou en cas d’agression avec des armes conventionnelles”, lorsque “l’existence même de l’État [russe] est menacée”.

Le plus probable est que cet ordre « permet de mettre les équipes dans les centres de contrôle et de commandement [de lancement de missiles] en état d’alerte, de raccourcir les délais et de simplifier les procédures pour passer l’ordre de lancement des missiles« , estime Rafael Loss.

« Sur l’échelle de l’escalade nucléaire, il y a bien d’autres marches« , assure ce spécialiste. Pour lui, si Vladimir Poutine se décidait à faire monter encore la pression, « il commencerait par citer directement l’arme nucléaire, ce qu’il n’a pas encore fait« .

Dans ce cas, « les sous-marins équipés d’armes nucléaires se mettraient probablement en mouvement« , ajoute Rafael Loss. Et « les missiles nucléaires quitteraient les hangars pour être chargés sur les bombardiers », ajoute Nikolai Sokov. Autant de signaux que l’imagerie satellite permettrait sans doute de détecter, jugent les experts sollicités par France 24.

Mais même si Moscou décidait de passer à la vitesse nucléaire supérieure – en réponse, par exemple, à l’envoi de troupes américaines en Ukraine –, « Vladimir Poutine sait que cette arme sert uniquement à faire du chantage diplomatique, car il est conscient que s’il l’utilisait, Moscou serait probablement bombardé en retour« , résume Polina Sinovets.

Un dangereux climat d’incertitude

Sauf que le chantage semble ne pas avoir eu l’effet escompté. L’administration américaine a réagi avec un certain calme, « prenant note » de la décision russe d’augmenter le niveau de l’alerte, tandis que le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a même pas évoqué la menace nucléaire russe.

Vladimir Poutine se retrouve dans une situation délicate : « Les sanctions s’accumulent, l’offensive sur le terrain ne se passe pas aussi bien que prévu, ce qui ne lui laisse que l’arme nucléaire comme avantage« , résume Rafael Loss. Il peut donc être tenté d’augmenter la pression dans l’espoir de faire réagir les pays occidentaux et obtenir des concessions.

« Le recours à la menace nucléaire dans le contexte de ce conflit est une terrible erreur qui va faire beaucoup de mal à la Russie et à Vladimir Poutine« , estime Nikolai Sokov. Le président russe « va passer pour quelqu’un d’imprévisible, dangereux et qui est prompt à brandir la menace nucléaire. Cela ne sert qu’à renforcer l’isolement russe sur la scène internationale« , ajoute-t-il.

L’escalade nucléaire russe crée aussi un « climat d’incertitude dans lequel un accident tragique peut survenir« , avertit Nikolai Sokov. Il rappelle qu’une part non négligeable des missiles russes sont « à double usage » – c’est-à-dire qu’ils peuvent servir de missiles conventionnels ou nucléaires. Comment être sûr, dans le cas d’un missile russe tiré, qu’il n’est pas équipé d’une bombe nucléaire? La tentation pourrait être grande pour les autres puissances nucléaires de lancer des frappes préventives qui feraient entrer le conflit dans une toute autre dimension.

Avec, autres presses

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