France: les députés français votent un amendement pour la restitution des « biens mal acquis » aux populations.
Après la condamnation en février 2020 de Teodorin Obiang Nguema, fils du président de la Guinée équatoriale, à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende et des confiscations, la question de la restitution des avoirs confisqués en France dans le cadre des affaires de «biens mal acquis » est devenue un enjeu majeur. En effet, faut-il le rappeler, Teodorin Obiang Nguema était accusé de s’être constitué un patrimoine mobilier et immobilier de plusieurs millions d’euros en France. Le tribunal correctionnel qui a prononcé la condamnation avait souligné qu’il serait «moralement injustifié pour l’État prononçant la confiscation de bénéficier de celle-ci sans égard aux conséquences de l’infraction ». Faute de mécanisme de restitution, en l’état actuel, le droit français ne permet pas de restituer les fonds issus de la confiscation des biens mal acquis, ils sont rattachés directement en recettes au budget général de l’État français.
Un amendement pour combler le vide législatif
Les députés français ont achevé, dans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 février, l’examen en première lecture du projet de loi « de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ». A cette occasion, ils ont voté à l’unanimité un amendement du député M’jid El Guerrab, ex-La République en marche et désormais Agir ensemble, qui inscrit pour la première fois dans la loi le principe de la restitution des « biens mal acquis » à la population des pays concernés. Il s’agira de redistribuer, sous forme d’aide au développement, les fonds confisqués par la justice française lors d’une condamnation pénale dans le cadre d’une affaire de corruption, détournement de fonds ou autre prise illégale d’intérêts par une personne dépositaire de l’autorité publique d’un Etat étranger, chargée d’un mandat électif public ou d’une mission de service public. Le gouvernement a fait préciser dans le texte que les recettes issues des biens mal acquis seraient identifiées par une ouverture de crédits dans la mission « aide publique au développement », gérée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Le sujet a fait son chemin chez les élus français avec une proposition de loi du sénateur Jean-Pierre Sueur, adopté en 2019. La semaine dernière, l’Assemblée nationale française a planché sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire. Ce texte majeur doit revisiter les modalités de la politique de développement de la France. L’objectif pour le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian est de « faire plus et mieux », en recentrant notamment l’aide publique française sur l’Afrique subsaharienne et les dons plutôt que les prêts.
Que prévoit concrètement le texte ?
Un rapport parlementaire des députés Jean-Luc Warsmann (LR) et Laurent Saint-Martin (LREM) préconisait déjà de renforcer l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), en créant des antennes régionales pour mieux saisir et identifier les biens mal acquis. Dans leur rapport intitulé « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner », les députés ont plaidé concernant les « biens mal acquis » par des dirigeants étrangers en France pour un « modèle de restitution sur mesure », avec la création d’une cellule ad hoc au sein du ministère des Affaires étrangères afin de « mettre en œuvre un mécanisme de réaffectation sociale des BMA » via le financement de projets de développements par l’Agence française de développement (AFD) « au profit des populations victimes de corruption internationale ».
Des amendements ont été déposés pour faire figurer dans la loi une procédure de restitution des biens mal acquis, confisqués par la justice, via justement de l’aide au développement. Ces amendements de la majorité ont été adoptés en première lecture du projet de loi de programmation sur le développement. En les soutenant, le gouvernement a promis la création d’une ligne budgétaire spécifique. Les recettes proviendraient de « la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour blanchiment, recel ou blanchiment de recel ou d’autres infractions spécifiques du Code pénal », selon les amendements adoptés.
C’est dans ce contexte qu’a été introduit un mécanisme législatif qui prévoit de « restituer » aux populations, via des projets de développement, les avoirs confisqués par la justice française dans les affaires de « biens mal acquis » de dirigeants étrangers indélicats. Jusqu’ici, leurs victimes, c’est-à-dire les populations spoliées, n’en voyaient pas la couleur. Dans l’hémicycle, le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne a insisté sur l’importance « de financer des actions de coopération et développement au plus près des populations » concernées par ces affaires de spoliation d’argent public à des fins privées.
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